« Les Départements, remparts de la démocratie culturelle en danger »
En cette fin d’année 2024, les Départements métropolitains et ultramarins font face à une crise sans précédent. Le projet de loi de finances pour 2025 porte un coup fatal à leur autonomie et menace directement leur capacité à maintenir des politiques culturelles essentielles à la cohésion de nos territoires.
Les chiffres sont alarmants : des Départements voient leur budget culture divisé par 3 en 2 ans. 14 d’entre eux seront dans l’impossibilité de voter un budget à l’équilibre en 2024. Si rien ne change, ce sont 80 Départements qui seront dans cette situation d’ici 2027. Derrière ces chiffres, c’est tout un modèle de société qui vacille.
Car ne nous y trompons pas : en asphyxiant financièrement les Départements, c’est la promesse républicaine d’égalité territoriale et citoyenne qui est bafouée. Dans nos zones rurales, dans nos quartiers prioritaires, dans nos villes moyennes, les Départements sont souvent les derniers remparts contre la désertification culturelle. Ce sont eux qui, aux côtés des communes, maintiennent vivant le tissu associatif culturel, encouragent et accompagnent l’accès au livre et à la lecture, participent à la sauvegarde et au partage de nos patrimoines et de nos mémoires, soutiennent les artistes, les compagnies, les lieux de création et les structures d’enseignement artistique. Ce sont eux qui permettent à des milliers de collégiens de découvrir le spectacle vivant, le cinéma, les arts plastiques, la musique et la danse.
Aujourd’hui, ce modèle est menacé de disparition. Des départements sont contraints de supprimer des dispositifs historiques. Des agences culturelles départementales, outils essentiels d’irrigation culturelle des territoires ruraux, voient leur existence remise en question.
Plus inquiétant encore, une idéologie du désengagement commence à poindre, prétendant que la culture relèverait de la seule responsabilité des familles. C’est oublier que l’accès à la culture est un droit constitutionnel, une mission de service public, un pilier de notre pacte républicain. Et que la culture reste un secteur marqué par de profondes inégalités sociales et territoriales.
40 ans après les lois de décentralisation qui proclamaient « droits et libertés des collectivités territoriales », force est de constater que ces droits et ces libertés sont vidés de leur substance. Privés de leurs leviers fiscaux, contraints de gérer une explosion des dépenses sociales insuffisamment compensées par l’État, les Départements sont progressivement réduits au rôle de simples opérateurs de l’État.
Face à cette situation, Culture•Co, réseau national pour la culture dans les Départements, lance un cri d’alarme et un appel à solidarité à l’ensemble des acteurs culturels, des élus locaux et des citoyens pour défendre ce bien commun qu’est la culture :
- Nous exigeons une révision immédiate du projet de loi de finances pour 2025 pour garantir aux Départements les moyens de leurs missions ;
- Nous appelons à une réforme profonde de la décentralisation, restaurant l’autonomie fiscale des collectivités ;
- Nous demandons l’ouverture d’une négociation nationale sur le financement des politiques culturelles territoriales.
L’heure n’est plus aux demi-mesures. Si nous laissons disparaître les politiques culturelles départementales et territoriales, c’est tout notre modèle de démocratie culturelle qui s’effondrera. Des décennies d’efforts pour la démocratisation de la culture seront réduites à néant. Des territoires entiers se verront privés d’accès à l’art et à la culture. Des associations culturelles seront amenées à devoir licencier massivement leurs salariés.
Ensemble, artistes, compagnies, associations, fédérations culturelles, élus locaux, citoyens, soyons solidaires pour défendre les politiques culturelles départementales. Faites entendre votre voix et votre soutien aux côtés des Départements. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : préserver notre capacité à faire société, à créer du lien, à construire du sens commun.
La culture n’est pas une variable d’ajustement budgétaire. Elle donne du sens à nos vies individuelles et collectives, elle est le cœur battant de nos territoires, l’âme de notre République.